• Les critères des jurys de championnat de small talk et la grille de notation •
Analyser le fonctionnement d’un texte de small talk, particulièrement dans un cadre de compétition, c’est comme disséquer un art subtil de l’ennui maîtrisé. Robert « Bavasse » Bonnet, en tant que champion, respecte un ensemble de principes tacites qui font la force de ce type de discours. Voici une analyse de ces mécanismes et quelques de critères pour le jury.
1. L’indifférence thématique
Le small talk se caractérise par la neutralité totale des sujets. Les thèmes abordés ne doivent en aucun cas susciter de passions ou d’émotions fortes. En politique, par exemple, le discours se concentre sur les lieux communs, les répétitions historiques, les banalités partagées par tous (impôts, alternances politiques). Le sujet, tout en étant superficiellement sérieux, est dilué dans une platitude déconcertante. Règle : Le discours doit évoquer un sujet sans jamais l’approfondir ni émettre d’opinion tranchée.
2. La circularité
Un bon texte de small talk revient toujours à son point de départ. Il ne progresse pas, n’aboutit à aucune conclusion. La structure est volontairement circulaire, presque labyrinthique, où chaque nouvelle phrase ramène le locuteur à des généralités déjà exprimées. Cela donne l’illusion de réflexion, mais empêche toute avancée véritable. Dans le texte de Bonnet sur la politique, les remarques sur l’alternance et les impôts tournent en boucle sans jamais vraiment évoluer. Règle : Le discours doit maintenir une constante répétition ou revenir fréquemment aux mêmes concepts sans progression.
3. L’illusion de profondeur
Le discours de small talk inclut souvent des réflexions qui semblent à première vue poser une question sérieuse ou offrir une observation perspicace, mais elles s’effondrent rapidement en platitude. Par exemple, l’idée que « parler c’est déjà une forme d’action » donne une apparence de réflexion philosophique, mais est aussitôt vidée de sens par le contexte plat dans lequel elle est émise. Règle : Des phrases doivent évoquer des réflexions, mais celles-ci doivent être immédiatement neutralisées par la banalité ou l’insignifiance.
4. La lenteur
Il est essentiel que le discours ne crée aucune tension narrative ou rythme accéléré. Les phrases sont longues, alourdies par des connecteurs comme « en même temps », « mais », « après tout », qui ralentissent le propos et noient le lecteur/auditeur dans une mer de mots sans relief. Cette lenteur est cruciale pour induire une lassitude douce et inoffensive. Règle : Le débit verbal doit être mesuré, l’enchaînement des idées, presque mécanique, avec une surabondance de conjonctions pour ralentir le rythme.
5. L’universalité vague
Le champion du small talk doit évoquer des idées ou des concepts si généraux qu’ils sont immédiatement accessibles, mais ne permettent aucun approfondissement personnel. Les idées sont universelles, presque stériles, comme la répétition des alternances politiques ou l’idée que « les choses ne changent jamais vraiment ». Ce sont des constats superficiels auxquels personne ne peut véritablement s’opposer. Règle : Les propos doivent être suffisamment généraux pour que personne ne puisse les contredire, mais suffisamment anodins pour ne provoquer aucune réflexion.
6. Le paradoxe apparent mais stérile
Le champion insère souvent des paradoxes apparents (comme « parler, c’est déjà une action »), qui semblent injecter de la complexité mais n’ont finalement aucune réelle profondeur ou implication. Ces paradoxes servent à feindre la réflexion sans jamais risquer de dévier dans la controverse ou l’argumentation. Règle : L’introduction d’un paradoxe doit être immédiatement neutralisée par une banalité ou une redirection vers une évidence.
7. L’absence d’engagement
Enfin, le locuteur ne prend jamais position. Il observe, fait des remarques, mais ne s’engage pas dans un débat ni ne propose de solution. Cette neutralité permet de flotter dans un discours léger et dénué de tout enjeu. Règle : Le discours ne doit jamais dévier vers un engagement personnel, une critique ou une idée tangible.
Critères de notation pour le jury
1. Neutralité thématique (20 points) : Le sujet doit être suffisamment commun pour que tout le monde puisse y prendre part, mais suffisamment inintéressant pour ne susciter aucune passion.
2. Circularité (20 points) : Le discours doit revenir sur lui-même de manière subtile, l’orateur ne doit pas progresser vers une conclusion, mais maintenir le flux d’idées sans avancée réelle.
3. Apparence de réflexion (20 points) : Des idées pseudo-profondes doivent être présentées, puis vidées de leur sens. Cela peut inclure l’utilisation de phrases à double sens ou de paradoxes artificiels.
4. Lenteur et monotonie (20 points) : Le discours doit se dérouler avec un rythme nonchalant, sans jamais devenir trop captivant. Un discours trop dynamique serait une faute.
5. Universalité vague (20 points) : Les propos doivent être suffisamment flous pour que personne ne puisse y adhérer totalement ou le contredire.
Ces règles pourraient former la base d’un règlement pour les compétitions de small talk, où l’art de dire beaucoup sans jamais vraiment rien dire est célébré.