16 septembre 2025

• Bob « Bavasse » Bonnet : interview exclusive •

Par USTD

Le champion français (3 fois en national de 2021 à 2023 inclus), puis international quand la compétition l’est devenue en 2024 a accepté de répondre précisément à nos questions sans langue de bois.

Devenir champion de small talk est-ce un entraînement de toutes les minutes ?
Bien sûr, l’entraînement est essentiel, mais il ne s’agit pas nécessairement d’un entraînement intensif à chaque minute. Le small talk est une compétence que l’on développe au quotidien, à travers les interactions simples et anodines. J’observe, j’écoute et je pratique chaque fois que j’interagis, que ce soit avec des inconnus, des amis ou des membres de ma famille. C’est dans ces moments que l’on affine notre sens du timing et de la légèreté. Chaque échange est une occasion d’apprendre et de s’améliorer.

Peut-on dans la vie quotidienne, avec ses proches, se départir de son sport et échanger naturellement ?
Absolument ! Le small talk, pour moi, ne doit pas être une performance constante. Avec mes proches, j’aspire à la simplicité et à l’authenticité. Il est essentiel de se départir des techniques parfois rigoureuses et de parler naturellement, de partager des moments de vie sans pression. Le but est de créer des liens, de rire ensemble, pas de toujours être dans la compétition. La vie quotidienne est remplie d’opportunités pour échanger de manière authentique, et c’est là que la magie opère.

Comment concilier le small talk avec une nécessaire « non-prise » de position dans vos travaux écrits professionnellement ?
C’est un défi intéressant ! Que ce soit en rédigeant des discours pour des maires ou des textes de développement personnel, il est crucial de garder à l’esprit que le small talk repose sur la légèreté. Dans ces travaux, je m’efforce d’utiliser un langage accessible et engageant sans me positionner fermement. Je reste sur des idées générales, des observations que tout le monde peut comprendre sans polariser. L’objectif est de favoriser l’échange et d’encourager le dialogue, plutôt que d’imposer une opinion.

Comment voyez-vous l’évolution de votre carrière face à la montée de challengers aguerris issus de nationalités et cultures différentes ?
C’est une question fascinante. La diversité des challengers apporte une richesse inestimable à la compétition. Chaque culture a sa propre approche du small talk, et je crois que cela peut être une opportunité d’apprentissage. Je suis conscient que les règles internationales visent à établir des thèmes communs, mais chaque participant apporte sa couleur et son style. Cela m’encourage à affiner mes compétences et à rester flexible. Je suis excité par la perspective de cette évolution, car elle promet d’enrichir notre art du bavardage léger. La compétition devient ainsi une plateforme d’échanges culturels, et c’est ce qui rend le small talk si captivant !
Ainsi, lors de mon Quicky avec Miyuki Tanaka, j’ai vécu une expérience à la fois excitante et enrichissante. Miyuki est une compétitrice redoutable, et j’étais conscient qu’elle apporterait son propre style, empreint de subtilité et de légèreté.
En entrant dans l’arène, j’ai ressenti un mélange d’adrénaline et d’anticipation. La présence de Miyuki, avec sa réputation d’experte en small talk, m’a incité à rester concentré et à donner le meilleur de moi-même. J’étais curieux de voir comment elle aborderait les thèmes et quelle stratégie elle utiliserait.
Dès le début, j’ai été frappé par la fluidité de notre échange. Miyuki a riposté très vite en réponse avec mon observation sur la météo, un classique avec lequel j’ai ouvert — un peu offensif, certes, mais qui a immédiatement instauré une atmosphère décontractée. J’ai apprécié sa capacité à enchaîner les sujets de manière subtile en venant me chercher habilement sur la vie quotidienne, tout en gardant la légèreté. J’ai essayé de suivre son rythme, utilisant des transitions habiles pour maintenir l’élan de la conversation.
À mesure que le Quicky avançait, je me suis rendu compte que Miyuki était non seulement compétente, mais aussi très intuitive. Ses réponses étaient souvent des échos de mes propres propos, mais présentés sous un angle nouveau car elle me « cherchait » avec des figures certes classiques mais habilement placées. Cela m’a forcé à être créatif et à ne pas me laisser emporter par la redondance et heureusement j’ai senti qu’elle était débordée.
Lorsque Miyuki a mentionné l’importance des chaises dans notre quotidien, j’ai ressenti un moment de surprise. C’était une ouverture anodine que je n’avais pas anticipée, et j’ai dû m’adapter rapidement. Cela m’a rappelé que le small talk est une danse où l’on doit être prêt à pivoter à tout moment.
Finalement, lorsqu’elle a choisi d’abandonner, j’ai ressenti une vague de soulagement, mais aussi de respect. Miyuki a apporté une belle énergie et a montré que le small talk peut être à la fois compétitif et convivial. J’ai appris beaucoup de cette interaction et je suis ressorti avec une nouvelle appréciation pour l’art de la conversation légère. Ce duel a renforcé ma conviction que le small talk n’est pas seulement une question de technique, mais aussi d’attitude. L’importance d’une connexion authentique, même dans le cadre d’une compétition, a été mise en lumière. Chaque duel est une occasion d’apprendre, de s’améliorer et de célébrer la diversité des styles et des approches en matière de communication.

Poursuivons plus précisément sur ce Quicky avec Miyuki Tanaka : votre figure d’ouverture sur la météo lors du Quicky avec Miyuki était stratégiquement très osée car c’est un domaine où elle excelle et vous auriez pu d’emblée vous fourvoyer. Surprise, en venant vous « chercher » sur la vie quotidienne (les chaises) elle a riposté en pensant faire de même : vous déstabiliser en vous poussant à exploiter ce pourquoi vous êtes fameux. C’est-à-dire qu’elle a cru bon de faire comme vous l’avez fait à son encontre : tenter de vous déstabiliser en sollicitant votre talent, ce qui aurait pu être de son point de vue contre intuitif et contre productif (c’est le choix que vous aviez tenté en ouvrant). Mais en fait, ce qui a été une réaction a priori habile de sa part — en venant sur votre terrain et en usant des mêmes stratagèmes — s’est avéré être un piège. Elle a visiblement tôt compris qu’elle s’était enferrée et a abandonné. Cet échange, votre ouverture et la riposte de Miyuki, digne d’une stratégie de jeu d’échec ou de go est désormais enseigné en formation de small talk : quelles réflexions cela vous inspire ?
C’est une analyse très perspicace, et je ne peux qu’approuver ! Lors de ce duel avec Miyuki, j’ai effectivement ressenti l’intensité de l’échange comme une partie d’échecs. Chaque coup, chaque réplique compte, et il est crucial de rester vigilant.
Ma décision d’ouvrir avec la météo était délibérée, sachant qu’elle est un sujet classique et accessible. En m’attaquant à un domaine où Miyuki excelle, j’étais conscient des risques, mais je pensais que cela pourrait aussi l’inciter à se montrer plus audacieuse dans ses réponses. En prenant ce risque, j’espérais aussi que cela me donnerait l’initiative. Sa riposte sur les chaises, en revanche, était intéressante. Elle a tenté de me déstabiliser en utilisant une tactique similaire. Ce choix était contre-intuitif, car cela signifiait qu’elle se plaçait sur un terrain qu’elle savait que je maîtrisais. Cependant, cela a aussi révélé un manque de confiance en elle-même, et elle a sous-estimé ma capacité à transformer un sujet banal en une conversation engageante.
En revenant sur un sujet aussi anodin, elle a créé un piège pour elle-même. Le small talk, tout comme le go, demande une anticipation des mouvements de l’adversaire. En essayant de jouer sur mon terrain, elle a pris le risque de se retrouver dans une situation où la banalité pourrait lui jouer des tours. Elle a effectivement choisi de me solliciter, pensant peut-être que cela me déstabiliserait, alors que cela a plutôt mis en lumière son propre dilemme.
Ce duel illustre parfaitement que le small talk est un jeu d’équilibre entre légèreté et subtilité. La clé est d’être à la fois audacieux et prudent. On peut jouer sur des terrains familiers, mais il faut toujours être conscient des implications. En fin de compte, cet échange m’a rappelé que chaque interaction est une occasion d’apprendre et de grandir. Cela m’inspire également à continuer d’affiner mes stratégies. Dans le monde du small talk, la flexibilité est cruciale. Si vous vous retrouvez coincé, il est souvent plus sage de reculer et de changer de sujet plutôt que de rester enlisés dans un débat ou une situation délicate. Ce duel a non seulement été une compétition, mais aussi un moment d’apprentissage précieux, et je suis honoré de voir qu’il inspire déjà des formations dans l’art du small talk. Cela montre que même les échanges les plus légers peuvent avoir une profondeur et une stratégie qui méritent d’être explorées.

En 2024 à Spokane à l’occasion du premier championnat international vous avez choisi le mode Check-List pour l’épreuve finale. Vous avez remporté le championnat avec tout juste 70 points, à peine devant Rajesh Kumar (Inde) en catégorie « Famille et Relations » sur la question de qui doit débarrasser la table après le repas, qui a fait 68 points en mode Simple Solo (> voir ce talk analysé et commenté ici). N’était-ce pas dangereux de choisir le mode Check-List, réputé difficile pour une épreuve de ce niveau, car vous n’avez pas creusé l’écart avec Rajesh Kumar et avez failli chuter. Quelle est votre analyse après coup ?
C’est vrai, choisir le mode Check-List pour ma finale à Spokane a été une décision audacieuse, voire risquée. Dans le feu de l’action, j’ai voulu montrer que je pouvais naviguer entre les anecdotes, tout en gardant cette légèreté qui caractérise le small talk. Cependant, avec le recul, je réalise que ce mode exige un équilibre délicat. Les anecdotes doivent être à la fois légères et suffisamment déconnectées pour captiver le jury sans créer d’attentes émotionnelles.
Rajesh Kumar a brillamment abordé un sujet universel et accessible, ce qui a rendu notre duel particulièrement serré. J’aurais pu opter pour le mode Simple Solo, où j’aurais pu développer des réflexions plus approfondies. Mais l’idée de jongler avec plusieurs anecdotes m’a semblé à la fois excitante et appropriée pour un premier championnat international. À l’avenir, je ferai preuve de plus de prudence dans mes choix stratégiques, en pesant les risques et les récompenses. En fin de compte, chaque expérience est une leçon, et cette finale à Spokane a été révélatrice à bien des égards.

En quoi la pratique du small talk, et surtout du small talk de compétition est-elle synonyme d’espoir et d’avenir par ses côtés inclusifs, féministes et écologiques ?
Le small talk, et en particulier celui pratiqué en compétition, incarne effectivement des valeurs d’espoir et d’avenir. À travers son approche inclusive, il ouvre des portes à des échanges entre des personnes de tous horizons, cultures et genres. Chaque participant, qu’il soit homme ou femme, apporte une voix unique, contribuant à un espace où la diversité d’opinions et d’expériences est célébrée. Cela fait écho à des mouvements féministes qui promeuvent l’égalité et la visibilité des voix souvent marginalisées.
De plus, en abordant des sujets tels que l’environnement et les relations interpersonnelles, le small talk encourage une prise de conscience collective. Même si, ironie du sort, nous utilisons encore les voyages en avion pour ces championnats internationaux, le fait d’échanger sur des thèmes écologiques dans ces conversations légères peut contribuer à sensibiliser le public à l’importance de préserver notre planète.
Enfin, la légèreté du small talk permet d’engager des discussions sur des sujets sérieux sans créer d’anxiété. C’est un moyen d’aborder des défis contemporains tout en gardant l’espoir et l’optimisme. En somme, le small talk est un reflet de notre humanité, où chaque mot compte et peut contribuer à un avenir meilleur.